Après avoir dégrossi la liste des choix possibles dans la partie 1, reste à passer aux essais des deux voitures pré-sélectionnées. A moins de 50 000€, les nouvelles Kia EV3 et Skoda Elroq sont parmi les meilleurs compromis prix – autonomie – place à bord du marché. Ils rencontreront donc probablement un beau succès chez les familles ou les sociétés à la recherche d’un véhicule électrique polyvalent convenant à un maximum de profils d’employés.
Les essais ayant été réservés en tant que client, les véhicules étaient à disposition pour un temps limité. Pas le temps de tout passer en revue, il faut se concentrer sur l’essentiel. Comme vous le savez, chez Culdesac.be l’attention se porte en priorité sur la conduite qui est souvent moins analysée ailleurs. Si la proportion de la population dont c’est la priorité est faible, il y a encore des gens qui veulent savoir comment leur SUV de 2 tonnes prendra son virage en forçant le rythme. Nous avons donc fait gigoter les baleines. Pour une analyse détaillée, le Moniteur Automobile propose un match très complet.
Les baleines qui gigotent
2,1 tonnes… Quand on ajoute un “s” à “tonne” lorsqu’on parle de la masse d’une voiture, on sait qu’il y a un problème. Si avoir une batterie de plus de 70kWh apportera d’office un surpoids, l’Elroq et ses clones du groupe VW sont malgré tout jusqu’à 200kg plus lourds que leurs concurrentes à batterie similaire comme la Renault Scenic E-Tech, la Tesla Model 3 ou la Kia EV3 du jour. Pour remettre en perspective le délire, c’est deux fois une Mazda MX-5…
Au volant, deux philosophies s’affrontent, tenue (je m’en voudrais de parler de dynamisme) contre confort.
L’Elroq est du côté germanique des réglages châssis. Jamais inconfortable mais c’est relativement ferme sur les défauts de la route. Petit rappel sur l’idée reçue que SUV = plus confortable. Pour tenir dans un virage une masse supérieure et située plus haut, il faut durcir les suspensions. C’est donc finalement l’inverse : si vous aimez le confort, visez leur équivalent berline et travaillez les genoux pour rentrer dedans. Heureusement, le véhicule d’essai était équipé des jantes 19″ avec les gros boudins pour adoucir les passages de trous belges. Pour rappel également, les jantes plus grosses consomment plus (perturbations aéro et masse supérieure plus éloignée du centre), l’Elroq 85 étant annoncé avec une consommation WLTP de 15,2kWh/100km avec les 19″ contre 16kWh/100km avec les 21″. Bref, frime ou conso-confo, faudra choisir. Au final, le résultat est convainquant. Les progrès faits par les marques pour compenser l’embonpoint automobile sont impressionnants.
En conduite très dynamique sur la superbe route de la Molignée, l’Elroq fait le taf avec distance. Sa pédale de frein donne autant de feeling qu’un gros élastique, mais quand on pousse fort, ça freine fort (une fois passé le point de régénération). Dans l’entrée du virage, la direction n’est pas beaucoup plus causante même en mode sport. Il faut donc un peu de retenue et garder de la marge, surtout sur le gras. Le volant est par contre agréable à manier et son assistance bien jugée. Sur le sec, le train avant s’en sort honorablement sans finir dans un gros sous-virage typique des voitures modernes. Et comme il n’y a aucune vitesse à passer, on a les 2 mains pour s’en occuper et se concentrer sur le reste. C’est là que l’ “Electric Karoq” sort son atout : c’est une propu, et ça pousse ! Avec 545 Nm de couple délivré instantanément sur le train arrière, il y a de quoi équilibrer la mise en appui. Grâce aux batteries entre les essieux, l’adhérence avant-arrière est bien répartie. Elle a donc des réactions saines malgré la masse et pivote sur son axe. Et en forçant le trait, elle peut même donner un – petit – sourire et sacrément gigoter. L’ESP garde solidement les rênes donc n’espérez pas une franche dérive. Ce qui se comprend : quand 2,1 tonnes embarquent, ce n’est pas simple à rattraper. Pour résumer, l’électrique apporte plus de fun que d’ennui. La Karoq, son équivalente thermique, est loin d’être aussi sympa à cravacher. Le côté aseptisé et la condition de SUV de l’Elroq sont ses défauts, mais ils sont dû aux goûts (douteux) de la clientèle.
A ce rythme et avec autant de puissance à disposition, les pneus subissent et la consommation s’envole logiquement. Le tableau de bord a rapporté une moyenne de 50,2kWh/100km sur 25 minutes. Si vous vous demandez à juste titre pourquoi mettre un couple de Lambroghini Gallardo dans un petit SUV des familles, attendez avec impatience le prochain épisode d’ “Electro-aimant” .
La Kia est orienté confort sans pour autant se vautrer comme le feraient certaines Citroën. Le compromis est assez bon en conduite fluide. Ce qui convient au final mieux à une très grosse majorité des conducteurs. Les trous et dos d’ânes sont mieux effacés, les sièges sont plus moelleux, l’insonorisation est excellente et l’ensemble des commandes invitent à une conduite zen. L’EV3 est pour cela aidée par son poids plus contenu (ou moins excessif), qui se ressent au volant en passant de l’une à l’autre.
Revers de la médaille, elle est encore plus aseptisée que l’Elroq. La direction n’offre aucun ressenti d’adhérence. Elle subit par contre de solides remontées de couple si on remet trop de “gaz” avec le volant tourné. Le volant tire violemment dans un sens ou dans l’autre en fonction de l’adhérence, car pour rappel, c’est une traction. Et 283 Nm délivrés instantanément à faire digérer à un train avant, ce n’est pas chose aisée. En appui, même en forçant le trait, il ne se passe pas grand chose et l’arrière suit docilement. A conduire avec douceur donc. Seule commande donnant plus de feeling que la Tchèque, la pédale de frein communique un peu mieux sur ce qu’il se passe lorsqu’on freine fort.
Efficience et autoroute
Les essais clients sont assez courts donc pas de possibilité de faire des relevés de consommation détaillés. Skoda m’ayant laissé 2 heures avec l’Elroq sursollicité par les clients (contre 40 minutes chez Kia), j’ai pu faire 45min d’éco-conduite : 15 sur les routes très vallonées de la vallée du Bocq et 30 sur autoroute à 120km/h, le tout à 5°C extérieurs. La moyenne de 20,4kWh/100km relevée est conforme aux prévisions. La batterie ayant 77kWh utiles, vous pourrez faire un gros 370km avec cette moyenne (77 / 20,4 = 3,77 –> 3,77 * 100km = 377km). En terrain plat et en devenant expert de la conduite économique, viser 400km n’est pas utopique.
L’EV3 semble bien légèrement plus efficiente. Rien de surprenant à cela : si les deux véhicules partagent leur Cx (coefficient aérodynamique) de 0,26, la surface frontale supérieure de l’Elroq plus massive amène un sCx de 0,677 contre 0,640 à la coréenne. Merci au Moniteur Automobile de communiquer ces valeurs cachées par les marques, nettement plus utiles pour mesurer l’efficience aérodynamique que le simple Cx. En effet, le sCx multiplié par la vitesse donne la force de résistance empêchant le véhicule d’avancer. Il reste à ajouter les pneus plus large de la Skoda en 235/255 contre 215, et on voit quelles résistances s’appliquent en plus à celle-ci.
Sans avoir pu recharger, je devrai me fier aux annonces des fabricants, validées par les différents essais presse : de 10 à 80% en environ 30min dans les deux cas, malgré une valeur maximale de charge rapide DC plus faible pour la Kia (120 contre 175kW). Les deux proposent également le préconditionnement de la batterie, manuel ou automatique avec la navigation. Il permet de mettre les cellules à la température idéale avant d’arriver à la borne : cette bonne température sera la clé pour permettre la recharge la plus rapide possible dès le branchement.
Pensez à cocher toutes les options qui vous éviteront de perdre trop d’autonomie en chauffage : sièges et volant chauffants pour ne pas chauffer l’air mais directement votre corps, et éventuellement pompe à chaleur si vous faites de longs trajets hivernaux pour aller au travail ou au ski dans une région tempérée comme la nôtre. Selon les études, un chauffage classique consommera entre 3 et 5kW à pleine puissance, puis entre 2 et 3kW une fois régulé. La PAC consommera en général 1,5kW à fond (le “à fond” sera moins “à fond” qu’un chauffage classique, donc certaines marques combinent les deux) puis 0,5kW en stabilisé. En résumé, le chauffage standard consommera 3kWh par heure contre 0,5kWh par heure pour la PAC. Sur une semaine de trajet maison-travail si vous avez 1h de route, vous économiserez 25kWh, soit 4,25€ si vous payez votre électricité 0,17€/kWh comme moi. Sur 5 ans, en ajoutant les trajets vacances et week-end (prenons 70h, soit 1 aller-retour au ski de 20h, 1 aller-retour dans les Vosges de 10h, et un peu plus de 1,5h trajet/week-end) mais sachant qu’il ne fait des températures froides qu’un tiers à une moitié d’année (disons 25 semaines), vous économiserez un petit 700€. Adaptez cela à votre situation, mais seuls les gros rouleurs y trouverons leur compte. Si vous réfléchissez en temps de charge gagné sur un trajet au ski, comptons donc 25kWh sur un trajet au ski de 10h, avec 30min pour charger de 10 à 80% soit 53,9kWh sur l’Elroq, cela vous fait gagner 15min de charge.
Vous entendez parler partout de cette fameuse PAC, mais peut-être sans savoir pourquoi c’est cool. Dans une voiture standard, le moteur thermique dégage de la chaleur en fonctionnant et celle-ci est déviée vers l’habitacle. Dans une électrique, beaucoup moins de chaleur sous le coude donc il faut la produire en consommant de l’énergie. Deux méthodes alors, soit via de très énergivores résistances comme dans votre grille-pain, soit via une PAC. Celle-ci est en fait une climatisation réversible et utilise un fluide frigorigène dans un circuit fermé. En le comprimant, il devient gaz et chauffe (pensez à votre pompe à vélo). Il est dirigé dans le condenseur : l’air extérieur passe à travers ce condenseur, prend la chaleur avec et est envoyé dans l’habitacle. Le fluide se refroidit, il redevient liquide et le cycle recommence. L’excellent rendement vient de l’utilisation de ce fluide frigorigène qui a besoin d’une température bien plus basse que l’air pour s’évaporer. La compression et transformation en gaz chaud ne consomme donc presque pas d’énergie et même avec une température ambiante très basse cela fonctionne.
Les détails qui fâchent
…dans l’EV3 :
- La vitre arrière étroite (meurtrière serait un terme plus exact) et le long toit incliné vers le bas limitent fortement la vision vers l’arrière. Dès que la route forme une légère cuvette, vous ne voyez plus qu’un morceau de la voiture qui suit si elle est proche, et plus rien si elle est loin.
- Le cache bagage est décalé de 10cm des sièges arrières. Du coup, comme il ne cache plus vraiment, à quoi sert-il ?
- Le pare-soleil, s’il est descendu à moitié pour cacher un maximum un soleil bas, cachera aussi un gros morceau du rétroviseur central. L’EV3 ne veut décidément pas regarder derrière elle…
- La console centrale innove avec cette tablette permettant de poser un ordinateur. Si l’idée peut s’avérer très pratique, surtout pour les professionnels, c’est la mise en oeuvre qui dérange. L’accoudoir ne tombe pas naturellement sous le bras, et la main repose sur cette tablette toute plate. Les énormes bacs ouvert en-dessous offrent une grande surface, mais sont trop ouverts (saletés/poussières) et sont trop bas : il faut se “pencher” pour y poser son téléphone.
- Le volant de la version GT-Line est extrêmement épais au niveau des branches, ce qui empêche de pouvoir le tenir naturellement à deux mains.
- Les aides à la conduite sont plus intrusives que votre père quand vous rouliez avec un “L”. Quittez même la route des yeux 5 secondes et il gueule avec un message rouge. Evidemment, plusieurs actions sont nécessaires sur l’écran pour aller couper tout ça…
- Point de trappe à ski dans l’Elroq : pour embarquer quelque chose de long, pas le choix de rabattre 2 sièges.
- Le joli petit écran de clim’ positionné entre les deux écrans principaux est caché par la jante du volant de l’EV3. Marketing 1 – Ingénierie 0.
- Les palettes réglant la force de freinage de régénération ne sont disponibles qu’en option avec le volant du Pack Drive, ou sur la finition Sportline. La force étant fixe sur les autres. Mesquin non ?
- J’ai beaucoup de mal à comprendre le délire de la recharge de téléphone par induction. Déjà, une bonne proportion des téléphones du marché ne proposent pas cette fonctionnalité, réservée aux modèles haut de gamme. C’est donc inutile pour de nombreuses personnes, mais contrairement aux palettes c’est de série ! De plus, ça fait augmenter la température de la batterie du GSM, ce qui est dommageable pour sa durée de vie. Comme l’Elroq est Clever, la zone est réfrigérée, ce qui pompe donc la précieuse énergie de la batterie de la voiture, tout ça pour ne pas devoir connecter votre téléphone avec son câble…
- L’électrique à la sauce VW offre peu de flexibilité. Contrairement à l’EV3, il n’y a pas de mode “One Pedal” (avec une régénération ralentissant jusqu’à l’arrêt) ou de V2L (possibilité de recharger des appareils comme des vélos électriques).
- Les sièges des dernières Skoda sont incroyablement larges entre les “épaules” du siège. Ca n’est pas spécialement un souci, sauf pour ceux dont la conduite sportive dérange les passagers qui sont barlottés de gauche à droite.
- Les habituelles innovations “Simply Clever” visent dans le mille comme d’habitude. Les multiples arrangements de coffre sont très utiles, le filet du câble de charge tout particulièrement. Il y a également une trappe à ski. Reste qu’il n’y a pas de possibilité d’avoir un coffre plat sièges rabattus.
Conclusion
Les deux SUV électriques sont polyvalents et assez complets. Que ce soit les dimensions, le comportement ou les technologies, tout est assez cohérent et conviendra à un large spectre de clients. Sur les specs électriques, c’est également convainquant et devrait faciliter le passage d’un véhicule thermique à électrique, le tout à un prix bien placé.
Pour trancher entre les deux, c’est plus difficile car elles se marquent à la culotte. L’EV3 a pour atouts un prix inférieur, un peu plus d’efficience et un format plus compact. Elle ajoute son confort supérieur, ses fonctionnalités “One Pedal”, V2L et ses palettes de série, mais perds quelques plumes dans les détails gênants et lorsqu’on force le rythme. L’Elroq propose une conduite plus engageante, un couple bien supérieur, une recharge à 175kW et un volume intérieur plus pratique, sans oublier les astuces Simply Clever et la trappe à ski. Niveau look, la Kia plus originale est plus clivante contre un design plus consensuel pour l’Elroq. Chacun choisira donc selon ses préférences.



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