Si en plus elles deviennent sexy…

Bien moins chères et au niveau technologiquement, les voitures chinoises ont de solides arguments et cela se voit dans les ventes. Néanmoins, jusqu’à présent, le design ne faisait pas partie de leurs qualités premières. C’est pourquoi la nouvelle Xpeng P7 a de quoi faire peur…

Les progrès de la voiture chinoise dans l’imaginaire collectif sont impressionnants. De voitures en carton, pâles copies de leurs équivalents occidentaux, japonais ou coréens, à la rue technologiquement, elles ont récemment acquis un statut de voitures sérieuses, au niveau des constructeurs établis en technologie et en sécurité, tout en proposant des prix inégalables. On ne les raille plus et on commence à sérieusement les craindre, car pour beaucoup de gens le prix est l’argument numéro 1. Mais elles ne font pas encore envie ni rêver de ce coté-ci du monde. Pour ça, il y a encore des étapes à franchir et les ingrédients nécessaires sont nombreux. Au hasard et dans le désordre, réussite sportive, objet de désir luxueux, plaisir de conduire et surtout… design ! 

On le sait, les goûts et les couleurs ne se discutent pas, mais vu que c’est l’objet de l’article, on va quand même en discuter. Que les fans absolus de la BYD “Otarie” 7 me pardonnent pour le paragraphe suivant.

Une voiture chinoise, ça a toujours un look générique. Les progrès comparé à avant sont bien là car elles ne font plus rigoler (sauf certaines copies bancales croisées au salon de l’auto), mais ce n’est jamais très sexy. Entre une Nio ou une Leapmotor très basiques, une BYD peu élégante, une Lynk & Co massive, une Xpeng en copie Tesla ou une MG chelou, on n’achète pas de voiture chinoise pour le design. Seul le sino-suédois Polestar propose des voitures réellement belles et originales comme la nouvelle 4, mais l’influence suédoise est manifeste.

Mais ça, c’était avant la nouvelle Xpeng P7.

Un effet waouh

©Xpeng

Jusqu’à présent, les Xpeng avaient un look anonymement anonyme. Bandeau devant, bandeau derrière, intérieur en copie Tesla, ça s’arrêtait là. Répondant au doux nom de Guangzhou Xiaopeng Motors Technology Co Ltd, ou 广州小鹏汽车科技有限公司 pour les initiés, la firme a été fondée en 2014 par le fondateur de Xiaomi et un des dirigeants d’Alibaba. Elle propose des alternatives crédibles aux berlines et SUV électriques premiums. Elle s’est récemment faite remarquée pour des chiffres impressionnant en puissance de charge, mais pas de quoi sortir la marque du paquet.

Mais ça, c’était avant la nouvelle Xpeng P7.

Si je me répète, c’est parce que cette voiture a déclenché en moi un sentiment ambivalent : c’est une voiture chinoise, envahisseur de nos marques chéries comme les frelons asiatiques assassinent nos belles petites abeilles, mais en même temps, quelle gueule ! On garde du bandeau, mais ça même les marques d’ici en remettent à toutes les sauces. Par contre, plus rien d’anonyme dans son design léché : signature lumineuse unique et originale, flancs lisses mais subtilement sculptés, arrière fastback du plus bel effet et jantes sportives avec des étriers de frein oranges. On garde encore une petite influence chinoise, mais on s’en éloigne fortement. 

©Xpeng

Quand certaines marques établies se perdent dans des effets de style incompréhensibles au risque de perdre leur base entière de fans (coucou BMW), que d’autres sortent des voitures en forme de galet que personne n’aime (coucou Mercedes EQ), que le style se standardise de plus en plus pour que, de la citadine au monospace, elles aient toutes l’aspect statutaire du SUV synonyme de réussite d’un cadre supérieur, la Chine progresse à pas de géants. Et si en plus les chinoises deviennent sexy, que restera-t-il aux autres ?

Uniquement disponible en Chine pour l’instant, la berline pourrait faire se retourner les gens sur son passage dans nos rues, ce qui serait une première. Coté specs, elle propose un moteur de 363ch (270kW) ou deux cumulant 586ch (437kW), une batterie LFP de 74,9kWh ou une batterie NMC de 86kWh. Bénéficiant d’une architecture 800V, les versions NMC devraient (à vérifier) pouvoir recharger à plus de 300kW, reprendre 500km en 10min ou passer de 10 à 80% en 11min. Caractéristiques intéressantes, son Cx atteint un impressionnant 0,201 (les Inioq 6, Model 3 et ID.7 sont battues, mais malheureusement pas d’info sur le sCx), et malgré ses 5m elle ne pèse “que” 2090kg ! De quoi la rendre très efficiente sur papier. Caractéristique moins intéressante, elle pourra avoir des portes qui s’ouvrent en élytres en option…

Enfin un record qui signifie quelque chose ?

Un record, quel qu’il soit, n’a de sens que si on peut le comparer directement dans un cadre fixe. Par exemple, un record sur un circuit avec une voiture strictement de série, c’est un cadre fixe. Un même tracé pour tout le monde, avec une seule règle, aller le plus vite possible. 

Le problème des records de distance parcourues par une EV entre deux recharges sur routes ouvertes, c’est que le cadre n’est pas fixe. Ce n’est jamais la même route (vallonnée ou non, avec des feux rouges ou non, etc.), on ne sait pas toujours quelles sont les vitesses de roulage, en combien de seconde l’accélération est faite, quelle est la circulation, etc. Par exemple, le record de 1 704,6km de la Chevrolet Silverado EV, équipée d’une batterie 200kWh, avec des pneus sur-gonflés, ayant roulé entre 32 et 40km/h, n’a absolument aucun sens…

Les récents records de la Lucid Air Grand Touring ou de la Polestar 3 Long Range, respectivement de plus grande distance parcourue sur une seule charge pour une voiture électrique (1205km) ou pour un SUV électrique (935,44km), démontrent que les progrès sont là et qu’ils sont parmi les meilleurs à ce jeu. Mais on ne peut pas vraiment les comparer même l’un avec l’autre, puisqu’ils ont roulé différemment sur des routes différentes, et l’acheteur ne sait pas si la manière de conduire est suffisamment représentative pour qu’il en tire une conclusion.

©Xpeng

La nouvelle P7 a elle aussi battu un record mondial : le nombre de kilomètres parcouru en 24 heures. 3 961km (+ 17km par rapport à la Xiaomi YU7, +244km par rapport à la Mercedes CLA électrique et + 536km par rapport à la Porsche Taycan). 

C’est un record différent, mais au final peut-être un peu plus représentatif sous certains aspects. Les conditions de roulage n’ont rien à voir avec une utilisation réelle vu la vitesse moyenne (jusqu’à 210km/h sans les charges pour la YU7), clairement. Mais ici, la route importe peu, on suppose un morceau de route ou un circuit plat, hors circulation et dans des conditions météos optimales, ce qui retire une variable clé qui permet de mieux comparer. Et les vitesse élevées exigées par le protocole sont justement les conditions où une électrique consomme le plus, ce qui se rapproche d’un trajet autoroutier. On est loin des 40km/h de la Chevy.

Le but est de faire le plus de kilomètres possible dans le temps imparti, ce qui est l’objectif de chacun lors d’un long trajet (ou plutôt l’inverse, faire le trajet choisi le plus vite possible). Le record prend donc en compte la vitesse de charge, qui est la grande force des voitures chinoises et certainement là-dessus qu’elles ont dominé la CLA “limitée” à 250kW – ce qui est une des valeurs les plus élevées chez nous. 

Reste que pour l’acheteur lambda (fortuné), ça lui fait une belle jambe… Entre ces records obscurs et la norme de consommation WLTP certes permettant une belle comparaison des modèles, mais loin de la vraie vie et surtout de l’étape critique du trajet d’autoroute, pas grand chose d’exploitable pour se faire une idée de l’efficience réelle sur l’autoroute des vacances. L’idéal serait une norme WLTP (pour Worldwide Harmonized Light vehicles Test Procedure) supplémentaire, calculant la consommation d’un trajet autoroutier, par exemple 50km à vitesse fixe de 110km/h…

©Xpeng

Audran Lernoux

Hyperactif multifonction intéressé par trop de choses. Surtout si elles ont des roues, des carres ou des pattes.