En parallèle de la série d’articles “Panne de cerveau”, voici leur version lumière pour repasser dans le positif et voir le verre à moitié plein. L’objectif de la rubrique “Cerveau-moteur” est de saluer les innovations, les éclats de génie et les retours sur le chemin de la raison.
Nous sommes en 10 avant 2035. Toute l’industrie automobile familiale électrique est occupée par les SUV… Toute ? Non ! Un petit segment d’irréductibles Breaks résiste encore et toujours à l’envahisseur !
Les différentes phases du virage électrique
Même au faîte de sa gloire, le SUV reste un non sens. Les raisons, on les connait : masse trop élevée, surface frontale trop grande, prix gonflés, centre de gravité trop haut, suspensions durcies, etc. On l’accuse même de tuer plus de gens. Les raisons de son succès, on les connaît aussi : look, marketing, et “c’est trop dur de se baisser dans une voiture normale, tu verras à mon âge !”. Ce qui est plus surprenant, c’est que le virage de l’électrique n’a fait que renforcer sa position alors que ses désavantages pèsent encore plus lourd (hihi, c’était pas voulu, promis). La forme d’armoire normande est tout ce qu’il ne faut pas pour fendre l’air efficacement, ce qui réduit énormément l’autonomie.
La stratégie des marques est logique : quitte à prendre le risque de lancer un 1er modèle électrique dans une gamme, autant viser le segment le plus porteur, même s’il faut sacrifier l’autonomie. Il y a aussi une question de facilité d’intégrer les batteries : étant mises dans le plancher pour former un “skateboard”, toute la voiture est surélevée donc cela sied mieux à un SUV. Les grandes berlines haut de gamme ont également été prisées car vecteures d’image et appréciées par les flottes et les gens riches.


Néanmoins, il semble que les choses évoluent. La phase actuelle est celle du retour en force des citadines. La nécessité de rendre l’électrique accessible à toutes les bourses pour augmenter les volumes de vente a accouché d’une génération de petites voitures “abordables” (abordable il faut le dire vite hein, nous sommes d’accord) : Renault 5, Citroën ë-C3, Hyundai Inster, Fiat Grande Panda, et bientôt VW ID1/2. Mais cela reste une catégorie que ne peut envisager une famille à la recherche d’un minimum de volume, pour qui le SUV reste à peu près la seule option…
Et l’une des raisons principales pour laquelle l’électrique ne décolle pas est l’impossibilité de résoudre l’équation suivante : trouver un modèle avec suffisamment de volume intérieur, avec une autonomie suffisante pour les vacances, et pas trop cher à l’achat. Du volume + de l’autonomie = trop cher. Pas trop cher = pas assez de volume et d’autonomie. Volume et autonomie sont liés par la taille des batteries qu’on peut mettre entre les 4 roues.

A new hope
Une nouvelle tendance semble – touchons du bois – s’amorcer. Car la seule solution pour résoudre l’équation ci-dessus est de rendre les modèles plus efficients tout en gardant du volume intérieur. Vous me voyez évidemment venir, faire des berlines et des breaks pardi ! Il faut quand même nuancer une chose entre ces deux dernières. Avec sa forme tronquée, le break a une forme moins optimale qu’une berline ou un coupé, ce qui agrandit la zone de dépression à l’arrière de la voiture. Avec leur pente douce arrivant à la poupe, les berlines minimisent cette zone, et le trajet de l’air va créer une espèce de “long tail” (ou longue queue) virtuelle en forme de goutte d’eau, idéale pour réduire la résistance aérodynamique. C’est d’ailleurs une raison supplémentaire de la prolifération des SUV coupés (en plus du marketing et des goûts douteux des gens). Mais souvent équipées de malles arrières peu pratiques, les berlines 4 portes sont nettement moins logeables pour une famille.


Jusqu’à présent, pas grand chose à se mettre sous la dent en breaks full électrique. La MG 5 était une proposition intéressante dans le “low-cost” mais manquait d’image, le duo Peugeot e-308 et Opel Astra Electric pourrait être exactement ce qu’il faut mais manque cruellement d’autonomie à cause de leur petite batterie 54kWh (plateforme d’origine thermique adaptée), les quelques modèles chinois sont encore peu présents en Europe et la Porsche Taycan Turismo est beaucoup trop haut de gamme.
Trois propositions récentes ont été commercialisées par BMW, Audi et VW avec les i5 Touring, A6 e-tron et ID.7 Tourer. Les deux bavaroises sont réservées à l’élite avec un prix d’entrée à 70 000€, et elles sont absolument énormes pour des breaks. L’ID.7 est certes chère et massive aussi mais est déjà beaucoup plus intéressante car elle permet une comparaison directe avec les SUV. En utilisant exactement la même plateforme, avec la même batterie, la même électronique (ou presque) et les mêmes moteurs que les poupées-SUV russes de VW, Seat, Skoda et même Ford, une forme de berline ou de break démontre le gain en précieux kilomètres d’autonomie. Et cela alors qu’elle reste beaucoup trop grosse et lourde.
La CLA Shooting Brake, game changer ?



Une nouvelle venue pourrait changer beaucoup de chose, il s’agit de la nouvelle Mercedes CLA Shooting Brake. Beaucoup de choses, mais pas le problème du prix car elle sera chère vu le volume proposé (plus de 60 000€), premium oblige. Et pas le problème du volume non plus en fait, la Shooting Brake ne brillant pas par son coffre gigantesque avec 455 litres sièges en place et 1290 litres banquette rabattue. C’est seulement 50 litres sous tablette en plus que la berline, mais le hayon et l’espace au-dessus de la tablette rendent le tout bien plus utilisables. De plus, un frunk (petit coffre sous le capot) de 101 litres augmente l’espace disponible. Ca valait bien ce beau titre putaclic vous allez dire ? Pas faux, mais c’est côté efficience et autonomie que Mercedes veut nous mettre des étoiles dans les yeux (en plus d’en mettre jusqu’à l’indigestion dans toute la voiture, des phares au toit panoramique).
Déjà, le fait que Mercedes choisisse la CLA comme 1er modèle de sa toute nouvelle plateforme électrique MMA, stratégiquement cruciale, signifie beaucoup. Ce n’est pas un SUV, ce n’est pas une grande routière, c’est une berline 4 portes, qui a réellement une forme de berline compacte non surélevée. Pour y arriver, Mercedes a fait des choix techniques importants. Côté motorisation, le nouveau moteur eATS 2.0 arrière se veut très compact surtout en hauteur, permettant d’en faire une propulsion tout en libérant un beau volume de coffre sans surélever toute la voiture. Pour y arriver, l’électronique de puissance est intégrée dans l’unité comme cela se fait de plus en plus, mais est surtout positionnée à l’avant du moteur et plus au-dessus. La boite de vitesse à deux rapports, en plus d’être un choix à contre-courant du marché permettant d’optimiser couple à basse vitesse et faible consommation sur autoroute (plus de détail dans l’épisode suivant d’Electro-aimant), est composé d’engrenages planétaires et pas coaxiaux à arbres parallèles. Ce qui est nettement plus compact. Enfin, la batterie a été rendue particulièrement plate.



Tout cela lui permet d’avoir une forme excellente pour la pénétration dans l’air, ce qui, associé à toutes les autres innovations de la MMA, permet à Mercedes d’annoncer un impressionnant 761km d’autonomie et une consommation homologuée de 12,7 à 15,2 kWh/100 km avec la batterie 85kWh utiles fonctionnant en 800V. Preuve qu’un break est un peu moins aéro qu’une berline, c’est une trentaine de kilomètres de moins que la CLA. Pour comparer, l’ID.7 annonce 690km WLTP avec 86kWh utiles et la Tesla Model 3 Grande Autonomie (ayant aussi une forme idéale) en annonce 702 WLTP avec 75kWh utiles. A voir les chiffres réels mais c’est prometteur, d’autant que la recharge rapide DC atteint 320kW donc elle peut récupérer 310km d’autonomie en 10min. Sur une borne suffisamment puissante évidemment, qui sont loin d’être légion dans notre belle Wallonie todi à la traine…
Si l’autonomie record de la Shooting Brake se confirme, cela pourrait ouvrir les yeux de beaucoup de gens sur les bienfaits des non-SUV et forcer la concurrence à s’aligner. Les marques généralistes pourront s’en inspirer, et nous verrons le retour béni des breaks sur le devant de la scène. Il ne manquera plus que le chapitre masse à solutionner, la CLA étant annoncée à 2 070kg en version propulsion.


