Si je vous donne les règles de bonnes pratiques pour prolonger la durée de vie de votre batterie Lithium-NMC telles quelles, elles vont rentrer dans votre oreille gauche, faire un looping et ressortir par la droite demain (c’est une image, vu que vous lisez). Par contre, si je vous dis pourquoi ça craint si vous ne le faites pas, vous aurez peut-être un petit pincement au cœur quand vous devrez y déroger, en pensant à votre pauvre pile dans la douleur.
En intro de l’intro, pour ceux qui ont du mal à passer plus de deux minutes à lire, un résumé des bonnes pratiques en 7 points se trouve tout en bas.
Intro théorique chiante
Si vous ne savez plus comment fonctionne n’importe quelle batterie, voici une séance de rattrapage avec le seul, l’unique, le héros de ma jeunesse, Jamy de C’est pas sorcier. L’anode négative (le – ) est constituée de graphite en lithium carbonique. La cathode positive (le + ) est constituée d’oxyde métallique, dans une batterie Li-NMC c’est de l’oxyde de cobalt, de nickel et de manganèse (ou plus précisément du NiMnCoO2). Entre les deux se trouve un séparateur permettant le passage des ions Li+ et empêchant le passage des électrons, et de l’électrolyte liquide. Ce dernier est le point critique de la batterie. Composé d’un sel de lithium et de solvants, il transporte les ions Li+ à travers le séparateur. Instable à haute tension, sensible à la chaleur et inflammable, il est sujet à réagir avec la cathode en NMC qui, dans ces conditions poussées à l’extrême, peut libérer de l’oxygène menant à un emballement thermique.
Lors de la décharge de la batterie, l’anode (-) en graphite lâche des électrons négatifs et des ions positifs de lithium (Li+). Ces ions Li+ sont naturellement attirés par la cathode (+) et voyagent de l’anode à la cathode via l’électrolyte, pendant que les électrons bloqués par le séparateur voyagent dans le même sens (anode -> cathode) par le circuit à l’extérieur de la batterie (puisque bloqués à l’intérieur par le séparateur). Ce circuit, c’est par exemple votre moteur ou n’importe quel consommateur. Les ions Li+ (+) et les électrons (-) se rejoignent à la cathode pour rétablir l’équilibre, qui devient du LiNiMnCoO2.
Lors de la recharge, les ions Li+ sont forcés à sortir de la cathode, retournent à l’anode pour se réinsérer dedans. Les électrons font aussi le trajet inverse par l’extérieur de la batterie, via le chargeur.
En résumé, le fonctionnement d’une batterie lithium-ion est le voyage du lithium d’un électrode à l’autre à l’intérieur de la batterie, et le voyage des électrons (ce qui génère du courant) à l’extérieur.
Allô maman, bobo
Quelles sont les grandes familles de dégradation d’une batterie ? Pourquoi perd-t-on en capacité avec le temps ?
[1] SEI (Solid Electrolyte Interphase)
La SEI est une fine couche solide formée sur l’anode en graphite lors des premiers cycles de la batterie. C’est un phénomène normal réalisé à l’usine. Le vieillissement suite à son usage, par contre, va voir la SEI s’épaissir et s’agrandir, d’autant plus dans les conditions défavorables. Cette SEI “consomme” du lithium actif en le piégeant et l’empêchant de ressortir, ce qui provoque une perte de capacité. Elle augmente aussi la résistance interne, ce qui baisse les performances (accélération de l’échauffement et réduction de la puissance).

[2] Plating du lithium
Le plating est le dépôt direct de lithium métallique à la surface de l’anode, au lieu d’une insertion réversible dans le graphite, dû à une réaction trop rapide. Ici aussi c’est irréversible, car cela provoque une perte du lithium capable de faire des allers-retours.
[3] Microfissures
Ce sont des microfissures dans les grains d’électrode (cathode ou anode) dues à des déformations internes, c’est-à-dire quand les grains se contractent horizontalement et s’expansent verticalement durant l’utilisation. C’est proportionnel au fameux “DoD = depth of discharge” (ou profondeur de décharge), et à la tension dans la batterie. Ces microfissures provoquent la création de nouvelles surfaces réactives sur lesquelles se développent une nouvelle SEI, piégeant plus de lithium et provoquant une perte de contact électrique entre les particules et les collecteurs de courant.
[4] Oxydation et dégradation de l’électrolyte
Sans rentrer dans les détails, ce sont des réactions chimiques complexes et néfastes avec le nickel, le manganèse et le cobalt, qui peuvent provoquer des gaz et des gonflements.

Les règles de bonne pratique
Charger à 70-80%, et 100% seulement si nécessaire
La tension en fin de charge est élevée. Cela se voit sur le graphique, quand le SoC* est élevé (entre 0,7 et 1 = 70 et 100%), la tension dans une cellule augmente exponentiellement. Cette forte tension est néfaste.
*SoC = State of Charge = “combien de % il te reste”, c’est la capacité restant dans la batterie
Effets : [1], [2], [3] et [4].

Limiter les recharges rapides (> 50kW) et éviter de les faire entre 80 et 100%
Les courants élevés de la charge rapide (chargeurs DC publics) favorisent les déséquilibres chimiques et les stress thermiques de surchauffe. Occasionnellement ce n’est pas un problème, mais il faut éviter de le faire trop souvent.
Entre 80 et 100%, la tension élevée se combine aux effets de la charge rapide. C’est pourquoi la batterie réduit la puissance au-dessus de 80%, pour se protéger, et qu’une recharge 80-100% met autant de temps qu’une 20-80%.
Effets : [1], [2], [3] et [4].
Eviter les cycles profonds 100% -> 0%
Ne pas attendre un SoC bas avant de recharger
Une décharge (ou une charge) va provoquer les déformations dont on a parlé plus haut. Plus la décharge va être profonde, plus ces déformations vont être grandes. Des petites décharges puis recharges régulières permettent des petites déformations avec retour à la forme normale entre chaque. Même si vous videz de 5 fois 10% seulement chaque jour, si vous ne rechargez pas entre, cela revient au même DoD que 50% d’un coup.
Donc au quotidien, recharger tous les jours et naviguer entre 50 et 80% est meilleur qu’attendre plusieurs jours, additionner les décharges, avant de faire une grosse recharge.
Effets : [1], [2] et [3].
Voici un graphique de tests sur des batteries Lithium-ion de smartphone montrant le nombre de cycles 0-100% que pourra réaliser la batterie avant de perdre 30% de sa capacité par vieillissement. S’il n’est fait que des décharges-charges de 10% (donc 10 fois 10% pour arriver à un cycle 0-100%), la batterie sera capable de faire 6000 cycles 0-100%. Au contraire, si la batterie est déchargée entièrement depuis 100% à chaque fois avant de recharger complètement, elle ne sera capable de faire que 300 cycles 0-100%.

Éviter les décharge sous 10%
La barre des 10% est à éviter, car l’état d’instabilité de l’anode provoque des effets néfastes. Si vous n’avez pas le choix de descendre en-dessous de 10% comme à la fin d’un long trajet, évitez une recharge rapide directement après : le retour du lithium dans l’anode se fait trop violemment par rapport à ce qu’il peut absorber.
Effets : [1] et [2].
Eviter tout ce qui fait chauffer, ou ce qui est trop froid
Ne pas stocker longtemps le véhicule par grosse chaleur : 30°C max
Au-dessus de 35°C, les réactions parasites et néfastes sont accélérées. D’autant plus si cela se combine à un SoC élevé, viser 30 à 50% pour un stockage prolongé.
Effets : [1], [2] et [4].
Préconditionner la batterie avant une recharge rapide par temps froid et éviter la recharge quand il gèle
Sous 5 °C, la viscosité de l’électrolyte augmente et la conductivité diminue, ce qui ralenti le passage des ions et augmente la résistance. De même, l’insertion des ions Li+ dans l’anode ou la cathode est plus difficile. Cela explique pourquoi votre batterie perd en capacité lorsqu’il fait froid, mais cela ne l’endommage pas. Par contre une charge rapide lorsqu’elle est froide va aller contre ces comportements et aura des effets néfaste comme le plating. Un préconditionnement (mise à la bonne température) évite ces effets, et permettra de faire une recharge plus rapide (puisque la gestion va limiter la puissance de charge tant que votre batterie n’est pas assez chaude).
Effets : [2] et [3].
Et donc, je retiens quoi ?
Ca fait beaucoup d’info pour tout garder en tête. Pas de stress, avec quelques bonnes habitudes, vous pourrez respecter la plupart des règles.
Au quotidien
- Faire souvent des petites charges (biberonnage), des charges lentes AC
- Essayer de toujours rester entre 40 et 80%, voire 50 et 70%
Température
- Chaud : éviter la charge après une grosse sollicitation, ne pas tirer dedans après une charge rapide, etc.
- Froid : préconditionner avant une recharge et ne pas tirer dedans à froid (comme un moteur thermique)
Stockage
- Si longue durée, chargée entre 30 et 50% et pas au soleil
Long trajet
- Ne faire de charge rapide que jusque 80%
- Eviter de descendre sous 10%

Note de l’auteur : malgré la vérification des informations, des erreurs pourront certainement se glisser dans ces articles. Toute remarque, correction ou précision est fortement souhaitée et appréciée.