Que vaut la nouvelle Honda Prelude sur circuit ?

L’essai d’une nouvelle sportive sur piste est toujours un grand moment. Si la sportive en question est la résurrection d’un modèle japonais mythique, encore plus. Les Preludes d’essai d’Honda Belgique ne seront disponibles que début 2026, mais la marque nous a gracieusement proposé de tester un modèle en plaques allemandes lors d’une session sur le circuit Jules Tacheny de Mettet.

Un pari osé

A première vue, proposer d’essayer sur circuit une traction à moteur hybride série dérivée d’une Civic peut être jugé risqué. Nombre de sportives conçues pour un usage routier montrent immédiatement leurs limites dans ce genre d’exercice. Et des critiques négatives dès sa sortie auraient pu tuer dans l’œuf toute volonté de faire connaitre ce modèle méconnu chez nous, excepté des passionnés. Même des critiques justifiées vu l’orientation GT. Mais c’est oublier deux choses : la voiture donneuse du train avant et l’histoire riche en sportives d’Honda. Non, ils ne font pas que de placides SUV hybrides ! 

La donneuse en question est la Civic Type R, reine des compactes sportives depuis deux générations. Son train avant à pivots découplés est le must du must pour une traction. Toutes les “hot hatches” les plus compétentes en étaient équipées, comme les Renault Clio et Mégane RS ou les Ford Focus RS. Pour résumer, l’objectif est de séparer l’axe de pivot de la direction – rotule sur le triangle qui permet de tourner à gauche ou à droite – du centre de la suspension (voyez comme “steering axis” est décalé du “previous steering axis” sur la deuxième photo ci-dessous). Cela permet d’éliminer toute remontée parasite de couple dans la direction en rapprochant l’axe de pivot du centre de la roue (voir “center offset”) et de dissocier les mouvements de braquage des mouvements verticaux de la suspension (en bas de la deuxième photo). Il procure en plus un excellent agrément en virage grâce à une meilleure précision et une motricité améliorée, en maîtrisant mieux la variation du carrossage et de la chasse à mesure que la suspension travaille.

Un coupé pratique au design réussi

Le design japonais semble parfois un peu étrange pour nous autres européens, mais pas celui de la Prelude. Visuellement, c’est une réussite. Elle est courte (-10cm d’empattement par rapport à la Civic), très large et basse, tout en gardant un gabarit contenu. Les lignes sont élégantes, loin de l’esbrouffe parfois caricaturale de la concurrence allemande – qui a dit BMW ? Ils ont même retiré toute antenne apparente pour garder la ligne de toit la plus pure possible. Elle est habillement intégrée dans la partie noire de la vitre arrière. L’avant est plein de personnalité et ne ressemble à aucune autre. Les flancs sont épurés et légèrement creusés. Seul l’arrière peut sembler un peu fade comparé à l’avant, mais seulement en photo. De subtiles touches bleues sur les parechocs avant et arrière, sur les surpiqures de l’intérieur et sur les étriers Brembo viennent rehausser le beau Gris Météore de notre modèle d’essai. Le Bleu Racing de l’autre modèle présent est plus original et convient parfaitement à un coupé sportif. 

Les journalistes auto aiment critiquer et répètent parfois tous la même chose. Par exemple, vous lirez souvent que si vous ne pouvez pas caser 1m90 aux places arrière d’une 2+2, elles sont catégoriquement inutilisables et ne seront bonnes qu’à charger des bagages en plus. Sauf que tout le monde n’a pas deux ados en fin de croissance à la maison. J’ai pu y rentrer mon mètre 80, mais c’est la limite pour passer un trajet sans avoir la tête à 45° : mon crâne rentre pile dans le trou entre le toit et le montant C, frôlant la vitre arrière, et mes genoux sont contre le siège avant réglé normalement. Il est certain que je ne conseille pas 300km comme ça ! Mais une personne seule ou un couple sans enfant prend rarement un passager arrière, et c’est souvent pour des trajets courts pour un covoit’ ou pour dépanner. Le “+2” peut donc suffire à beaucoup de gens et faire la différence. Le coffre de 264 litres est honnête pour un coupé sport (par exemple, la GR86 en avait 226), mais sièges rabattus on passe à 760 litres jusqu’au toit. Et la Prelude a un autre solide argument à faire valoir : son hayon. Car toutes les berlines et coupés ayant des coffres plus grands ont souvent des malles peu pratiques. La hayon et le volume permettent, d’après Honda, de charger aisément 4 pneus ou un vélo. Par contre, il n’y a pas de hayon motorisé. Vous ne devrez donc ni attendre 5 secondes qu’il s’ouvre ou se ferme, ni céder un rein lorsqu’un moteur de vérin rendra l’âme, ni pester contre ces systèmes d’ouverture au pied qui fonctionnent une fois sur deux ! Ne pleurez pas…

Je suis un grand fan du tableau de bord. S’il semblera trop classique aux fans de technologie dernier cri, il est rafraîchissant de retrouver tous ces boutons physiques en voie d’extinction : clim’, dégivrage, volume, sélecteur de modes, auto hold,… Il y a même un bouton censé relâcher l’intervention du VSA (ESP Honda), mais je n’y ai malheureusement pas touché. 

Pas des plus modernes non plus, l’infodivertissement est simple et ergonomique. Ce qu’on attend dans un coupé dont l’objectif n°1 est le plaisir au volant ! Les palettes en métal ont deux fonctions. Soit elles permettent d’ajuster la force du freinage régénératif sur 7 niveaux, du mode “One Pedal” allant jusqu’à l’arrêt complet au mode roue libre, soit elles passent les vitesses. Vous pouvez retrouver ici l’article technique détaillant le fonctionnement de sa technologie full hybride e:HEV et de son inédite “boite de vitesse” virtuelle S+ Shift. Il ne reste qu’à régler son siège baquet – manuellement aussi. Les fainéants qui préfèrent attendre 5 secondes que le siège avance ou recule tout seul peuvent aller pleurer avec ceux qui aiment les hayons motorisés.

Le verdict de la piste

Le démarrage en mode Confort avec S+ Shift désactivé donne la sensation de rouler dans une 100% électrique, et c’est un compliment. Avec l’amortissement piloté au plus souple, la douceur de la direction et de l’accélération, et la discrétion du moteur thermique, un trajet maison-boulot au milieu du trafic se fera avec beaucoup d’agrément. Seuls le bruit des pneus larges (235/40 R19) et les bruits d’air perturberont un trajet d’autoroute. Le mode GT est le juste milieu pour une conduite engagée raisonnable, mais comme nous sortons de la pitlane pour monter sur la piste du circuit de Mettet, passons directement en Sport pour aiguiser le tout. En activant le S+ Shift mais sans utiliser les palettes, le passage des 8 “vitesses” est automatique. Et l’avantage d’être simulé, c’est qu’il est du coup parfait. La sonorité modifiée et amplifiée dans les haut-parleurs est sympa, sans plus. On reste loin d’un pur moteur thermique plaisir, mais cette sonorité évocatrice a le mérite de procurer plus de sensations. Et quand on regarde combien de vrais moteurs sportifs survivent encore en 2025, tués par les normes à coup de catalyseurs et de silencieux, on ne peut pas vraiment regretter le choix d’Honda.

Les rapports s’enchaînent sans latence, avec la petite rupture de charge qui permet de rythmer l’accélération. Cette accélération est pour moi le petit bémol pour une utilisation circuit. Assurée par le moteur électrique seul, elle est franche et largement suffisante à basse et moyenne vitesse. Même dans un monde où n’importe quel gros SUV électrique accélère comme une Ferrari des années 90, un départ arrêté en Prelude n’a rien de ridicule. Merci au couple instantané de 315 Nm et à la masse modérée de 1473 kg. Mais lorsqu’on arrive à plus haute vitesse, la puissance limitée de 184 ch se fait sentir car ça s’essouffle un peu. Ce n’est pas un problème sur une piste aux courtes lignes droites comme ici, mais ça pourrait être un peu plus frustrant sur une piste comme Francorchamps.

Cela s’oublie dès le premier virage car à partir de là, c’est un quasi sans faute. La puissance du freinage est vraiment impressionnante grâce aux étriers avant Brembo à 4 pistons de la Type R. L’assistance de la pédale semble d’ailleurs un poil trop sensible au début vu la capacité de décélération. Quelques freinages sont nécessaires pour se calibrer et doser correctement. J’ai même pu dépasser mes points de freinage de Fun Cup ! Le ressentit est meilleur que la plupart des voitures combinant freinage régénératif et mécanique. L’entrée en virage se fait tout aussi bien. L’adhérence du train avant est énorme, particulièrement pour une traction. Il faut vraiment exagérer pour le faire sous-virer, d’autant plus avec AHA ! Ce n’est pas le cri satisfait que vous ferez en doublant par l’extérieur une Golf GTE mais le système Agile Handling Assist, qui freine la roue intérieure au virage. Il est très bien programmé car totalement imperceptible. Si c’est loin d’être une nouveauté, il a été optimisé pour améliorer l’entrée du virage et pas seulement l’accélération en sortie. Celle-ci ne sature pas non plus les pneus avant même avec les roues encore braquées, à moins d’en rajouter. Les performances modestes, le dosage fin que permet le moteur électrique et les pivots découplés évitent cet écueil typique des tractions. L’absence d’autobloquant ne se fait donc pas trop sentir. 

Et entre les deux, la Prelude ne demande qu’à pivoter sur elle-même. Avant solide, arrière mobile comme il faut, empattement court, la rotation se fait sans effort, ce qui amène une… intervention de l’ESP. Un survirage bien rigolo serait facilement faisable sans. Mais il agit avec une relative finesse et permet de sentir l’arrière se placer avant d’entrer en action. Je serais curieux de voir ce que cela donne avec le VSA relâché, et encore plus si on pouvait le désactiver complètement !

Contrairement aux craintes initiales, enchaîner les virages de Mettet se fait avec beaucoup de plaisir, surtout que la direction informe correctement sur le niveau d’adhérence. Après un gros freinage dégressif pour planter l’avant, on a le choix entre un guidage précis pour être efficace ou forcer le trait pour jouer – un peu – avec. C’est d’autant plus simple que l’amortissement piloté, même réglé au plus ferme, garde une certaine souplesse. Honda répète que c’est une GT pensée pour la route, même si elle est compétente sur la piste. C’est moins efficace et il faut laisser le temps à la voiture de faire le transfert d’appui. Mais ces mouvements de caisse permettent de sentir clairement ce que fait la voiture. Cette caractéristique lui donne un petit côté Mazda MX-5 ou Alpine A110 et doit faire merveille sur route, générant des sensations sans exploser le compteur. Contrairement à la plupart des sportives surcompétentes modernes. Cela devrait aussi permettre de tenir un gros rythme sur nos petites routes wallonnes défoncées. La seule différence avec ces deux illustres références est qu’elle vous connecte un peu moins à la conduite. Elle donne beaucoup de plaisir, bien plus que 95% de la production automobile et même que ses rares concurrentes directes, mais il lui manque juste ce frisson pur généré durant une grosse attaque. En échange, vous avez la douceur et le raffinement d’une Grand Tourisme.

Et le S+ Shift avec les palettes alors ? C’est très bien fait. Une impulsion sur la palette donne un passage de rapport forcément immédiat, décuplant l’implication du conducteur. En plus d’être agréable, il y a des utilités concrètes. Cela permet de mieux déterminer avec quelle vitesse rentrer dans un virage, et cela autorise à faire retomber les “rapports” au freinage, pour avoir du frein moteur et être sur la bonne “vitesse” pour avoir le maximum de couple à la réaccélération qui suit. 

Une offre unique en 2025

Il reste à parler du prix et de la concurrence. Entendons-nous, il faut pouvoir sortir 50 000€ pour un coupé 2+2 hybride. Mais vu le prix moyen de n’importe quelle hybride huppée, ce n’est pas délirant. D’autant qu’il n’y a pas grand-chose en face et que c’est souvent plus cher. La BMW 220i coupé est la seule vraie concurrente à ce prix. Plus pratique, plus cossue, c’est la vision premium germanique du coupé grand tourisme. Elle a des valeurs de couple et puissance similaires mais est presque 150kg plus lourde, ce qui l’empêche de prendre l’avantage avec son architecture propulsion. Et je ne suis pas certain qu’elle s’en sortirait aussi bien sur circuit. Les Ford Mustang et Toyota Supra peuvent apporter un agrément supérieur mais sont plus de 10 000€ plus chères, sans parler taxes, assurance et consommation (on rappelle que de la Prélude a une conso mixte WLTP de 5,2 L/100km et émet 117 gCO2/km, ce qui est remarquable). La Mazda MX-5 avec toit rigide est moins chère et procure encore un peu plus de sensation, mais est moins utilisable au quotidien et a un tout petit gabarit beaucoup moins pratique. Tout comme l’Alpine A110 dépassant les 65 000€. Et les incroyables Toyota GR86 / Subaru BRZ ne sont hélas plus produites… 

La Prelude débute sa carrière en force avec des chiffres de vente supérieurs à ceux attendus au Japon. Si elle continue sur cette voie sur les autres marchés aussi, sans aller aussi loin qu’une Type R, peut-on rêver d’une version Type S ? La Civic avait reçu ce patronyme en 2007. Un petit boost moteur et un châssis encore un peu plus sportif pourraient permettre d’élargir les clients potentiels, notamment ceux en quête d’une sportivité exacerbée. Si mettre le moteur de la Type R semble exclu (mais tout est possible évidemment), les CR-V et Accord des marchés US et chinois ont une autre version du e:HEV, avec un moteur thermique un peu plus coupleux et un moteur électrique gagnant 20 Nm. S’il rentre, il suffirait alors que l’amortissement piloté ait un réglage un peu plus ferme et que l’ESP soit entièrement déconnectable pour que l’affaire soit faite ! 

Nous attendrons un essai route pour une conclusion définitive sur cette Honda Prelude. Néanmoins, nous comprenons maintenant la confiance d’Honda à nous la faire essayer à Mettet. Et on ne peut que féliciter les Japonais d’oser sortir un coupé sportif hybride bien conçu, agréable à regarder et engageant à conduire en 2025. Heureusement que le Pays du Soleil Levant garde la volonté de faire survivre le vrai plaisir de conduire accessible…

Un grand merci à Honda Belgique pour sa confiance et l’organisation de cet essai.

Audran Lernoux

Hyperactif multifonction intéressé par trop de choses. Surtout si elles ont des roues, des carres ou des pattes.