Electro-aimant #2 : puissance, couple, toussa…

Qu’on se le dise, on ne s’appelle pas “petrolhead” pour rien. Par principe, pour vibrer, il nous faut du bruit. Malheureusement les électrons n’en font pas, mais on n’y échappera pas… Donc autant faire contre mauvaise fortune bon coeur et chercher comment ces bagnoles à piles vont pouvoir nous attirer ! Le but de cette rubrique est de comprendre comment ça marche pour ne plus voir ça comme un Dyson à roulettes.

Les principes physiques (part. 1) : couple, vitesse de rotation et puissance

Comme on a dit dans Electro-aimant #1, des moteurs électriques il en existe de nombreux types différents. C’est d’autant plus compliqué qu’ils fonctionnent un peu pareil, mais pas totalement. Après, les principes généraux qui permettent à un moteur de tourner à partir d’électricité et les unités pour les comparer sont globalement les mêmes. Donc avant d’aller plus loin, il faut se faire mal et essayer de capter ces principes, sinon le reste sera en chinois. Promis, seulement un épisode un peu trop long et lourdingue puis on entre dans le vif du sujet…

D’abord, essayons de comprendre les relations entre le couple (relation, couple, hihi, haha), la vitesse de rotation et la puissance dans les moteurs électriques.

Le couple est associé à une rotation. C’est la loi du bras de levier : une force (en Newton) multiplié par une distance (en mètre), distance entre l’endroit où on applique la force et l’élément mis en rotation. Vous pouvez comprendre facilement avec les pédales de votre vélo, même si vous n’êtes plus monté dessus depuis 15 ans. La jambe qui pousse sur la pédale c’est la force (ou pas, dans votre cas), et la distance c’est la longueur entre la pédale et le pédalier.
à Newton x mètre, un couple est en Newton-Mètres (Nm).

La vitesse de rotation, c’est plus facile à comprendre. Comme c’est toujours une rotation, on va compter le nombre de fois que l’objet tourne sur lui-même dans un certain labs de temps. Dans l’automobile on parle donc de rotation par minute (rpm – abréviation plutôt anglophone) ou tours par minute (tr/min – abréviation plutôt francophone). C’est ce qui est affiché sur le compte-tour de votre voiture, quand les constructeurs daignent encore en mettre un !

La puissance, c’est la combinaison du couple et de la vitesse de rotation. Pour imager, l’énergie du couple reviendra plus souvent si le moteur tourne vite, donc les deux jouent sur la puissance. Pour le calcul, la vitesse de rotation est dans une autre unité (radians par seconde) donc il faut en plus changer les tr/min en rad/sec. Mais on s’en fout, on n’est pas à l’unif on a dit.

à Couple (Nm) x Vitesse de rotation (rad/s) = Puissance (W)

Dans les voitures thermiques, la puissance est souvent en chevaux (-vapeur, donc “CV” ou “ch”, mais pas les CV fiscaux, et pas vraiment non plus les hausse-pauwer ou même les bwéke-hausse-pauwer des anglais, même si “ch”, “hp” et “bhp” c’est proche). Pour une puissance d’un moteur électrique c’est d’office en watt (W), ou plutôt en kilowatt (kW). Oui, ça change tout et on ne comprend plus rien du coup. Pause mémo pour s’y retrouver : 

  • Cheval-vapeur (CV ou ch) : puissance à la roue utilisée chez nous  
  • Horsepower (hp) : puissance à la roue utilisée chez les anglais (supérieure de 1,4% aux CV)
  • Brake-horsepower (bhp) : puissance en sortie du moteur utilisée chez les anglais
  • Kilowatt (kW) : puissance électrique avec 1 kW = 1,359 CV et 1 CV = 0,7355 kW
    –> Retiens juste de faire puissance en kW x 1,36 = puissance en ch (fénéant).

Puissance et couple d’un moteur thermique

Graphique puissance et couple en fonction de la vitesse de rotation ©hopauto

Puissance et couple, c’est un peu le mich-mach dans la tête des gens. Un peu comme quand on parle d’un poids en kilogrammes (bah oui Jamy, le poids c’est une force donc c’est en Newton, les kilogrammes c’est une masse !). En résumé, le couple est lié à l’accélération tandis que la puissance est liée à la vitesse maximale du véhicule.

Les valeurs que le vendeur va rabâcher sont les valeurs max que le moteur sait sortir, mais vous n’aurez pas 150ch et 300Nm de tout en bas à tout en haut du compte-tour. Pour savoir comment le moteur va fonctionner, il faut se pencher sur leurs courbes de couple/puissance en fonction du régime moteur. Comme sur les photos ci-dessus et ci-dessous*.

*Précision sur celles du Diesel dCi 90 de droite : lorsqu’une courbe forme un plateau comme celle du couple (“1” sur le graphique), c’est que le moteur est bridé électroniquement et que le calculateur joue avec l’injection et la suralimentation pour ne pas dépasser une certaine valeur. Soit dans le but de vendre plusieurs déclinaisons d’un même moteur avec différents niveaux de puissance, soit pour limiter le couple maximal car la transmission ne pourrait pas supporter plus.

Exemple avec généralités : un moteur thermique essence et un autre en Diesel peuvent avoir la même puissance, mais un couple et une vitesse de rotation très différents. Le moteur à essence monte “plus haut et plus vite” dans les tours (par minute, voir les coordonnées horizontales des graphiques) donc peut aller à une vitesse de rotation plus élevée, mais il sort souvent moins de couple et la couple max se trouve souvent à plus haut régime (les courbes gris foncé des graphiques). Donc il faut monter dans les tours pour avancer suffisamment (imaginez le VTEC qui hurle à la mort)Le bon gros mazout a plus de couple mais aura une zone rouge plus basse, donc l’accélération initiale sera meilleure, mais monter dans les tours est plus lent et va moins haut.

Courbes moteur essence vs Diesel ©DansMonAuto

Tout ça est lié aux différences entre le mode de fonctionnement des technologies essence et Diesel, ça dépend aussi des rapports de la boite de vitesse (on verra ça plus loin), de leur cylindrée, de la construction du moteur, de l’apport d’air et du carburant, etc. J’aimerais bien résumer ça aussi, mais on a dit qu’on essayait d’aimer l’électrique ! J’ai d’ailleurs beaucoup trop parlé de thermiques dans cet article, mais c’était nécessaire.

On va maintenant voir ce que ça dit pour les sèche-cheveux roulants… Et pourquoi votre égo et la foi en votre titine ont été broyés par un jeunot en Renault Zoé au démarrage du dernier feu rouge.

Puissance et couple d’un moteur électrique

La réponse vient de la manière dont un moteur électrique délivre son couple. Et pour le coup, c’est simple : 100% direc’, il donne tout instantanément. 

Déjà à la réaction à l’enfoncement de la pédale d’accélérateur, le moteur électrique prend quelques centièmes d’avance. Pas besoin d’attendre qu’un embrayage s’enclenche, que l’essence et l’air arrivent dans le moteur, que l’allumage se fasse, voire qu’un turbo entre en action comme dans un thermique. Chaque degré de pédale donne une réaction instantanée au niveau du moteur électrique grâce aux petits électrons qui filent à 200 000 km/sec.

L’autre différence majeure, c’est que le couple maximal est délivré dès l’arrêt et reste maximal sur toute la première partie du régime. On peut voir ci-dessous le joli plateau bien net du couple moteur de la Zoé sur le graphique puissance-couple en fonction du régime moteur. Quand vous sentez enfin le petit coup de pied aux fesses arriver dans votre thermique (tout relatif le coup de pied, faut voir dans quoi vous roulez…), la petite Française vous a déjà pris 3 mètres !

Graphique puissance et couple en fonction de la vitesse de la Renault Zoé

Ne désespèrez pas pour autant. Si la drag race (la course d’accélération hein, pas la téléréalité) dure plus longtemps que jusqu’au prochain feu du Boulevard Lambermont, vous gardez toutes vos chances. Car une fois passé un certain régime, appelé la vitesse nominale du moteur électrique, le couple va se mettre à chuter. En fonction du moteur, cette vitesse nominale se situera plus ou moins haut, mais dans tous les cas les hauts régimes ne sont pas à l’avantage des moteurs électriques, et ce pour de nombreuses raisons.

Le graphique d’un moteur électrique est d’ailleurs plus représentatif pour comprendre la relation puissance-couple. Si on le lit de gauche à droite, c’est-à-dire linéairement en fonction de la montée en régime, dans la zone de couple constant on voit que la puissance augmente linéairement aussi. Dès que ce couple commence à chuter, la puissance devient stable, car la chute du couple est compensée par la vitesse moteur qui continue d’augmenter.

Et c’est une fois que ce couple chute que vous sortez votre atout : la boite de vitesse ! Ce qui me permet de faire une superbe introduction au prochain article, “Electro-aimant #3 : boite à un rapport, c’est pas un peu réducteur ?”.

Autres articles Electro-aimant : 

Note de l’auteur : des erreurs pourront certainement se glisser dans ces articles. Je m’y connais plus que certains, et moins que d’autres. Donc toute remarque, correction ou précision est fortement souhaitée. 

Audran Lernoux

Hyperactif multifonction intéressé par trop de choses. Surtout si elles ont des roues, des carres ou des pattes.