Petit article Electro-aimant hors série, pour réagir à l’annonce ‘putaclic’ de BMW avec son concept Vision Driving Experience et ses 18 000 Nm de couple. Non, ce n’est pas une faute de frappe…
BMW a sorti un communiqué présentant la BMW Vision Driving Experience (VDX), un concept car non produit en série. L’objectif de ce véhicule est de développer deux composants qui seront présents sur toutes les “Neue Klasse” : son unité de commande baptisée « Heart of Joy » et son logiciel BMW Dynamic Performance Control.
Mettons de côté les annonces des progrès réalisés avec cette unité de commande avec des temps de réactions logiciels extrêmement réduits, et avec cette nouvelle architecture promettant d’améliorer l’efficience et l’autonomie avec un freinage majoritairement régénératif. Ce qui nous intéresse, c’est ce chiffre de couple annoncé de 18 000 Nm, parfaitement dingue. Lu tel quel, ça semble incroyable sachant par exemple qu’une des électriques de série les plus puissantes, la Tesla Model S Plaid, annonce “seulement” 1 420 Nm, ou la voiture électrique la plus puissante au monde, la Rimac Nevera R, annonce 2 650 Nm.

Comparer des pommes avec des pommes
Pour commencer, si la notion de “couple” n’est pas claire pour vous, je vous invite à relire l’article “Electro-aimant #2” .
Voyons maintenant comment les filous de chez BMW espèrent tromper leur monde. Deux astuces permettent d’annoncer ce chiffre hallucinant. D’abord, il faut comprendre que les moteurs “in-wheel” utilisés ont une architecture différente des moteurs électriques classiques. Ensuite, il faut faire la distinction entre couple mesuré en sortie de moteur et couple à la roue.
Un “in-wheel motor” – ou moteur intégré dans la roue – est une technologie loin d’être nouvelle. Ferdinand Porsche en avait équipé sa Lohner-Porsche électrique au 19ème siècle. Reste qu’avant, elle apportait plus de problèmes que de solutions. C’est en train de changer. Mais nous explorerons en détail cette technologie dans un futur Electro-aimant. Sachez seulement que ces moteurs intégrés aux roues se passent de réducteur (le sujet du prochain Electro-aimant #3).
Voyez ci-dessous une comparaison de l’architecture classique d’une voiture électrique (deux roues motrices) à gauche, contre celle d’une voiture électrique avec moteurs “in-wheel” (deux roues motrices aussi). Le réducteur (gearbox en anglais) et le différentiel sont absents sur l’architecture de droite.

Un réducteur est composé d’engrenages et peut être vu comme une boite de vitesse à un seul rapport fixe. Il sert à modifier le ratio entre couple et vitesse d’un moteur électrique. Comme habituellement les moteurs électriques tournent très vite, à plus de 10 000rpm, il faut réduire cette vitesse avant de la transmettre à la roue. C’est fait par ces engrenages. Réduire la vitesse augmentera le couple de manière presque proportionnelle (car il faut retirer les pertes). Donc un ratio de 10:1 divisera la vitesse par 10, et multipliera le couple par un peu moins de 10.
Pour reprendre notre Tesla Model S Plaid, le couple de 1 420 Nm est celui produit par deux moteurs, un pour les roues avant, un pour les roues arrières. Pour avoir le couple transmis à la route, il faut voir le couple après le réducteur de chaque moteur (et après le différentiel, que nous ne prendrons pas en compte ici). Dans la Model S Plaid, chaque réducteur a un ratio de 7.56:1. Donc en envisageant le couple sous le même angle que pour la VDX et sans tenir compte des pertes, celui-ci peut être estimé à 1420 * 7,56 = 10 735,2 Nm. Ce calcul sommaire n’est évidemment pas exact, mais permet juste de faire comprendre l’astuce.
Quand à la Rimac Nevera, elle possède également un moteur par roue comme la VDX (et donc pas de différentiel). Contrairement celle-ci, il ne s’agit pas de moteurs “in-wheel” mais de classiques moteurs mis dans le châssis, qui ont chacun un réducteur. Je n’ai pas les ratios des réducteurs de la nouvelle R, mais la Nevera normale possède deux moteurs de 280 Nm avec réducteur de ratio 5,5:1 à l’avant, et deux moteurs de 900 Nm avec réducteur de ratio 5,75:1 à l’arrière. Chaque moteur tourne à maximum 17 700 rpm, d’où la présence des réducteurs. Donc pour avoir le couple total aux roues, on multiplie par le ratio et on additionne le tout : (280 * 5,5) * 2 + (900 * 5,75) * 2 = 13 430 Nm. Tout cela reste théorique, puisqu’en général tout le couple maximal n’est pas appliqué sur les 4 roues en même temps, et on ne compte pas les pertes.
La BMW utilise des moteurs sans réducteur qui ont une architecture différente. Ils ont une vitesse de rotation très lente qui permet de s’en passer, et un couple instantané très élevé. Le couple du moteur est donc également le couple à la roue ! Et comme ils sont 4, cela revient à 4 500 Nm par moteur, à rapprocher des moteurs de la Tesla ou Rimac développant chacun un gros 5 000 Nm en sortie de réducteur.
In fine, oui la BMW Vision Driving Experience doit être très rapide. Mais pas 10 fois plus que la concurrence comme on pourrait le penser en lisant le chiffre de couple brut… Un beau coup de com’ en somme, bien joué BMW !

Autres articles Electro-aimant :
- Electro-aimant #1 : composants d’un moteur électrique
- Electro-aimant #2 : puissance, couple, toussa…
Note de l’auteur : des erreurs pourront certainement se glisser dans ces articles. Je m’y connais plus que certains, et moins que d’autres. Donc toute remarque, correction ou précision est fortement souhaitée.