La future Honda Prelude e:HEV hybride, qui arrivera en Europe début 2026, va étrenner la technologie S+ Shift. Celle-ci simulera la présence d’une boîte à double embrayage alors que la technologie hybride e:HEV, associant un moteur thermique à deux moteurs-générateurs électriques, ne comporte pas de boîte de vitesses. Plait-il ?
Une relation trop lisse, c'est ennuyeux
Passer soi-même les vitesses lors d’une conduite sportive ajoute du plaisir en connectant un peu plus le conducteur à la voiture et en lui donnant une emprise supplémentaire sur le comportement de la voiture. De plus, la rupture de charge lors du passage de rapport, l’augmentation progressive du couple moteur et les envolées sonores successives du moteur dans les tours ajoutent des sensations de vitesse. Cela donne également un repère sur la vitesse approximative à laquelle roule le véhicule, ce qui aide à prendre les virages à la vitesse adéquate.
C’est un des reproches faits aux voitures propulsées par un moteur électrique à cause du rapport unique et fixe, associé à la poussée totale et constante dès les premiers mètres. Oui le coup de pied aux fesses initial est cool, mais passé les premières secondes, la suite de la poussée, trop lisse et linéaire, n’apporte pas le même frisson.
La simulation, pour ou contre ?
Vaste débat qui apportera autant de réponses qu’il existe de conducteurs… Est-ce que simuler quelque chose qui n’existe pas a une utilité ou est-ce un non-sens absolu ? Est-ce qu’à partir du moment où on sait que c’est fake, on peut encore en profiter pleinement ?
Le must reste toujours du 100% réel. Mais lorsque ce n’est pas/plus possible, simuler reste intéressant si c’est bien fait, et il reviendra à chacun d’apprécier ou non – après avoir testé uniquement ! Lorsqu’on regarde un film, on sait que ce n’est pas la réalité, pourtant quand c’est bien fait, le plaisir est là. Idem avec les simulateurs de conduite type Playstation ou PC, cela devient tellement réaliste que le plaisir ressenti est réel, il manque juste les sensations des forces appliquées sur le corps pour s’y croire totalement. Donc pourquoi ne pas faire pareil dans les voitures à moteur électrique ?
Ce que je retiens, c’est que la grande majorité des personnes ayant testé la Hyundai Ioniq 5 N, voiture électrique qui simule tout de A à Z – passage de “rapports”, rupture de charge, son du moteur, couple progressif, frein moteur – sont dithyrambiques : c’est génial ! Même ceux qui y étaient initialement réfractaires adorent car c’est extrêmement bien fait.
Dernière réflexion sur le sujet, quel pourcentage sait réellement ce qui se passe sous son capot lors du changement de rapport ? Pour eux, fake ou pas fake, le résultat est le même. Donc si l’illusion est parfaite, ne devrions-nous pas laisser les convictions de côté, nous réjouir que ce plaisir soit encore accessible grâce au talent des ingénieurs, et oublier ce petit “mais” ?
e:HEV, l'hybride made in Honda
Arrêtons de palabrer et venons-en à la technique. Pour comprendre comment fonctionne le S+ Shift, il faut d’abord comprendre le concept de l’hybride à la recette Honda, le e:HEV. Oui, la marque est spécialiste des noms bien bizarres… Ils ont quand même appelé leur électrique e:Ny1, à prononcer “anyone” ! Et leurs SUV s’appellent CR-V e:PHEV ou ZR-V e:HEV. A moins de viser particulièrement les fans de Star Wars, difficile de comprendre l’équipe marketing (ce qui est valable un peu partout vous me direz, il suffit de regarder le sketch récent d’Audi).
Le e:HEV, c’est un concept d’hybride série-parallèle composé d’un moteur thermique en cycle Atkinson et deux moteurs-générateurs électriques. La force de ce concept est sa relative simplicité technique pour une hybride : pas de mécanisme complexe ou de transmission massive et énergivore, donc moins de pertes par friction et une meilleure fiabilité.
Le cycle Atkinson se différencie d’un cycle Otto traditionnel en utilisant une détente plus longue que la compression, ce qui augmente l’efficacité thermique au détriment de la puissance. Mais contrairement au cycle Miller, il n’utilise pas de turbo. Le principe moderne utilise une fermeture retardée de la soupape d’admission, une partie du mélange air-gaz admis retournant dans le collecteur d’admission lors de la course de compression. La compression se fait donc sur une course plus courte que la détente qui suit. Meilleur rendement, mais puissance et couple réduits, c’est pourquoi ces moteurs sont majoritairement utilisés dans les hybrides qui compensent cette perte avec l’électrique.


Une machine électrique est dans la plupart des cas réversible : en consommant de l’électricité elle peut fournir un travail mécanique, et inversément en recevant un travail mécanique elle peut produire de l’électricité. On l’appellera donc moteur-générateur électrique.
L’un des moteurs-générateurs électriques de la Honda, appelons-le MG1, fonctionne uniquement en générateur d’électricité (en bleu foncé sur le schéma de la 2ème photo ci-dessus) et est relié au moteur thermique (en violet). L’autre, MG2, sert de moteur de traction (en vert) comme dans une 100% électrique et est directement connecté à l’arbre de transmission via des engrenages (en bleu clair) et un différentiel (en jaune). MG2 entraîne donc les roues seul, sauf à haute vitesse stabilisée, et permet le freinage régénératif qui recharge la batterie.
Chaque moteur est utilisé dans sa meilleure plage de rendement : l’électrique à bas et moyen régime, et le thermique à haut régime et vitesse stable. L’hybride fonctionne en série (le moteur thermique génère l’électricité via MG1, électricité qui est fournie à MG2 qui entraine les roues seul) au démarrage, à basse et moyenne vitesse, et c’est seulement à haute vitesse constante que le moteur thermique entraine seul les roues. Le moteur thermique est connecté à la transmission via un embrayage puis une réduction unique au ratio correspondant à une 5ème vitesse, ce qui limite l’usage à la haute vitesse. Un mode 100% EV où MG2 utilise l’électricité stockée dans la petite batterie lithium-ion est possible également. Vous pouvez voir ci-dessus la différence entre un système hybride série-parallèle standard au-dessus et le e:HEV en-dessous.
Le S+ Shift ne simule qu'à moitié
On récapitule : la Honda Prélude est un coupé sportif qui veut donner du plaisir de conduire mais, équipée de l’ensemble e:HEV présent sur la Civic, ses roues sont majoritairement entrainées par un moteur électrique. Par contre, contrairement à une 100% électrique, elle a sous le coude un moteur thermique, certes loin des magnifiques VTEC hurlant à 9000tr/min d’antan, mais néanmoins capable de prendre des tours, de vibrer et faire du bruit. Il suffit donc d’ajouter des palettes sur le volant, faire monter le moteur en régime de la bonne manière (même si ça ne sert à rien), et demander au moteur électrique de simuler la rupture de couple et d’augmentation de vitesse que provoque normalement un changement de rapport (ce qui ne sert toujours à rien).
En détail, lors d’une accélération dans une voiture thermique, 1. le moteur thermique va monter en régime, 2. le couple aux roues va augmenter progressivement, et 3. la vitesse du véhicule va augmenter en rapport du couple. Au début du passage de rapport, l’embrayage s’ouvre, donc 1. le thermique retombe bas dans les tours (gaz coupés), 2. le couple aux roues est nul, et 3. la vitesse du véhicule va stagner. Ensuite, lorsque la vitesse supérieure est passée, l’embrayage se referme donc le moteur reprend des tours pour se synchroniser avec la vitesse des roues grâce à l’inertie du véhicule, puis l’accélération reprend avec les étapes du début. L’inverse se produit lors du rétrogradage.
Pour la S+ Shift, les ingénieurs d’Honda ont dû jouer avec la vitesse de rotation du moteur thermique (courbes bleues du premier graphique) pour faire varier correctement le son et les vibrations, et avec le couple du moteur électrique pour faire varier la vitesse du véhicule (courbes rouges), le tout pour simuler un fonctionnement traditionnel de boite pilotée à double embrayage.



En pratique, la montée en régime du moteur thermique se fait en accord avec la pédale d’accélérateur puisqu’il a un boitier papillon électronique. Honda fait déjà cela sur la Civic (“Linear Shift Control” sans le système S+ Shift) : elle imite les montées en régime successives pour ne pas avoir un effet “pédalage dans la semoule” des hybrides comme les Toyota. Pour éviter la perte de rendement de la variation de régime face à un régime constant, les ingénieurs ont élargi au maximum la plage de rendement optimal de leur 2.0 L (zone en bleu des deuxième et troisième graphiques).
Par contre pour simuler un passage de rapport agressif lors de l’actionnement de la palette, et donc une retombée ou une montrée rapide du régime moteur, c’est fait via le générateur MG1. Il va rapidement freiner ou accélérer le moteur à pistons puisqu’il lui est relié directement. Comme un générateur produit de l’énergie lorsque le moteur thermique force contre son couple de freinage (comme il faut forcer pour faire tourner une dynamo et allumer la lampe), de manière proportionnelle à la puissance de génération d’électricité, il suffit d’augmenter momentanément cette puissance pour générer un couple freinant plus fort, ce qui fait retomber rapidement le moteur thermique bas dans les tours. Lors du rétrogradage par contre, comme il faut très rapidement réaugmenter la vitesse moteur comme lorsque vous réembrayez, le générateur est utilisé momentanément en moteur pour faire reprendre des tours rapidement au moteur thermique. Et pendant ce temps, MG2 simule les variations de couple et de vitesse d’un passage de rapport.
Pour mieux visualiser le fonctionnement, une excellente vidéo Youtube de Sikasabu Motor channel illustre le tout.
Si le concept semble extrêmement bien pensé, cela ne doit pas être simple à réaliser en pratique. La programmation des softwares doit être suffisamment fine pour réussir l’illusion. Il n’y a plus qu’à attendre un essai pour voir si dans les faits, ce système simule bien ou non, et si ça donne réellement plus de plaisir !
Notes de l’auteur :
Malgré la vérification des informations, des erreurs pourront certainement se glisser dans ces articles. Toute remarque, correction ou précision est fortement souhaitée et appréciée.


