Il est un cycle perpétuel qui se vérifie presque toujours et qui n’a absolument aucun sens. Chaque nouveau modèle est systématiquement remplacé par un plus gros. Depuis le choc pétrolier des années 70, où les marques ont dû soudainement passer à des modèles beaucoup plus petits, cette tendance ne s’est jamais inversée.
A chaque nouvelle sortie, les marques annoncent fièrement que leur nouveau modèle a pris 3cm en longueur, 1cm d’espace au jambe, 30L de volume de coffre, etc. Résultat, chaque itération grossit, grossit, grossit, et finit par avoir l’encombrement du modèle supérieur de 3 ou 4 générations avant. Pour garder une gamme complète et pouvoir proposer un modèle plus petit, le constructeur finit donc par devoir sortir un nouveau modèle placé en-dessous dans son offre de produits.
Un exemple très parlant est VW. En 1974, après le choc pétrolier, ils ont d’abord sorti la Golf et la Polo comme modèles les plus compacts, cette dernière étant la plus petite des deux. Elles ont ensuite tellement grossi – la Polo actuelle étant maintenant bien plus grosse que la Golf I – qu’ils ont dû sortir la Lupo, remplacée la Up!, comme modèle le plus compact.
Et chez certains, la prise de masse est aussi – voire plus – effrayante ! La M3 E30 de BMW faisait environ 1.200kg à sa sortie, 1.650kg pour la version M3 E92, et carrément 1.850kg pour la version actuelle ! L’évolution des équipements de sécurité n’est pas une excuse, demandez à la MX-5 qui a toujours sa ligne d’il y a 30 ans. Et comme le volume a suivi la même règle, ils ont ensuite sorti en-dessous la Série 1 coupé devenue Série 2. Qui s’est elle-même sacrément goinfrée, puisque la dernière M2 est bien plus grosse que la E30 et annoncée à… 1.800kg également…
Arrêter de vanter les gros(ses voitures)
C’est en réalité un cercle vicieux dont les journalistes ne sont probablement pas étrangers. À chaque essai, ils s’extasient sur le gain en place aux jambes, en volume de coffre ou en garde au toit. Ils comparent ensuite les modèles entre eux, et celui qui a le plus gros coffre l’emporte, sans que ce soit pondéré par l’encombrement même du véhicule. Les constructeurs vont donc logiquement continuer à donner des hormones à leurs modèles pour qu’ils obtiennent les faveurs des journalistes, et donc du public.
L’électrique vient ajouter un sacré grain de sel, puisqu’un encombrement supérieur signifie plus de place pour la batterie (presque toujours placée dans le plancher) et donc une autonomie supérieure. On vente le chiffre brut d’autonomie en kilomètres plutôt que de le pondérer par la taille et la masse.
De même, la valeur de Cx qui représente le coefficient de pénétration dans l’air est toujours mise en avant. Or, il ne faudrait parler que du sCx, c’est-à-dire le Cx pondéré par la surface frontale du véhicule. Par exemple, le Tesla Model X a un Cx impressionnant de 0,24 et identique à celui de la Toyota Prius 4. Mais vu qu’il est absolument énorme il aura toujours beaucoup plus difficile à fendre l’air que la japonaise : sCx estimé de 0,71 m² pour le Model X, sCx de 0,53 m² pour la Prius. L’impact de ce sCx sur la consommation est énorme, mais l’esprit des gens est focalisée sur cette valeur de Cx dont tout le monde parle car la surface frontale n’est presque jamais exprimée. Pour info, certains TGV ont aussi un Cx de 0,24…
Un site, Carsized, permet de se rendre compte des différences.

Y a plus de place !
Tout cela me dépasse. Que sur le même encombrement, un constructeur cherche à optimiser le packaging global pour obtenir plus de place pour les passagers et le chargement, c’est évidemment louable et important. Mais le fait de grossir l’encombrement à chaque génération, c’est un non-sens. Si un client veut un modèle plus gros, il n’a qu’à s’orienter vers le modèle de volume supérieur. Et s’il veut un plus petit, vers le modèle de volume inférieur.
Dans un contexte global de dérèglement climatique où l’efficience est primordiale, et de villes, de parkings et d’axes routiers toujours plus saturés avec des problèmes d’espace pour les cyclistes, piétons et autres, c’est un principe aberrant qui devrait changer.
Je ne sais pas quelle pourrait être la solution. Peut-être mettre en place un ensemble de coefficients, comme un coefficient de place à bord avec une formule pondérant la place pour les passagers et les bagages par l’encombrement extérieur ou un coefficient d’efficience, avec une formule pondérant l’autonomie annoncée par l’encombrement et la masse du véhicule. Cela permettrait de comparer des pommes avec des pommes. Le consommateur n’aura pas besoin de connaître la formule complexe déterminant le coefficient (comme pour le Cx ou les étoiles NCAP au crash test). Il saura juste faire un choix plus intelligent avec ces coefficients en main. Par exemple, ne pas se dire qu’un gros SUV aura plus d’espace à bord qu’une compacte break. Il suffit de regarder ce qu’on peut réellement mettre dans le coffre de nos copains les SUV coupés.