Ou les limites de l’agilité des constructeurs.
À l’inverse de ce que disait Jean-Louis Aubert, ce n’est pas juste une illusion. C’est même plus qu’une sensation. De plus en plus de marques automobiles ont adopté les codes des start-ups technologiques, mais aussi leurs pratiques parfois douteuses. Voilà comment on se retrouve avec des prototypes sur la route, sans avoir rien demandé.
Impossible de pointer le moment précis où tout a commencé, mais il semblerait que la bascule ait eu lieu en fin de décennie précédente. Tout a commencé en connectant tous les objets de l’habitacle, de la même manière que les objets de la maison ont tous une connexion Wi-Fi maintenant.
Foncer la tête baissée, c'est le mantra automobile de nos jours.
Chez Volkswagen, la transformation a été initiée suite au scandale du dieselgate, qui a poussé l’entreprise à repenser sa stratégie et ses objectifs de manière abrupte, en misant à 200% sur l’électrification et le passage à ce qu’on appelle désormais l’ère moderne, c’est-à-dire celle où tout passe par un écran. Ce changement n’était pas seulement une réponse à la pression des régulateurs et du public, mais aussi une tentative de concurrencer Tesla, le leader incontesté de l’industrie des véhicules électriques à l’époque. Mais était-ce le bon exemple à suivre ?
Le résultat se perçoit maintenant sur nos routes, avec une proportion énorme d’ID.3, Enyaq, Born et Q4 e-tron qui remplissent nos villes. On y respire mieux, sans aucun doute, mais cette transition s’est accompagnée de pratiques ridicules, si pas dangereuses. La gestion de la climatisation, de l’audio et des périphériques passe par un écran au processeur dépassé, et même si l’air est plus pur, traverser devient plus dangereux, vu que les conducteurs sont obligés de regarder leur écran pendant au moins cinq secondes pour dégivrer le pare-brise ou changer de station de radio. Curieux, quand on voit que ces actions prenaient moins d’une seconde lorsqu’on avait encore des boutons.

Chez Tesla justement, l’instigateur d’une grosse partie de ces changements, la philosophie de la maison a toujours été de bousculer les habitudes. Résultat positif quand il s’agit d’entamer une transition électrique et neutre en termes de centralisation sur un seul écran (au moins, en Californie, les processeurs sont suffisamment rapides pour supporter les tâches demandées), c’est néanmoins catastrophique lorsque l’on parle d’autonomisation de la conduite.
L’Autopilot, dont le nom trompeur, voire carrément mensonger, a fait couler beaucoup d’encre, présente des risques non seulement pour ceux qui sont à bord, mais aussi pour tout le monde sur la route. Elon Musk adore le vendre comme un service totalement autonome et finalisé, mais le justifie ensuite aux régulateurs européens comme un programme d’aide à la conduite de niveau 2, c’est-à-dire limité à une supervision totale et tout bêtement un régulateur amélioré. Vous avez dit schyzophrène ? En plus de ça, cette habitude de sortir des services en version bêta, comme si on était tous des testeurs de gadgets high-tech semble prendre le pas dans l’industrie automobile. Sauf que dans ce secteur, les conséquences d’un bug peuvent être carrément dangereuses et mettre des vies en jeu, ce qui s’est déjà avéré être le cas à plusieurs reprises.

En parlant de version bêta, Tesla n’est pas le seul constructeur à se livrer à ces pratiques. Fisker, dont la relance a été tant attendue avec le modèle Ocean, a immédiatement rencontré des obstacles. La qualité de production, qui laisse beaucoup à désirer, est l’un des nombreux problèmes rencontrés. Le software, qui semble être négligé et laissé à l’abandon, se rajoute à la liste des préoccupations. De plus, plusieurs promesses faites par la marque n’ont pas été tenues, notamment en termes d’autonomie et de capacité de recharge. En surface, il semble que tout soit encore en cours de développement. Cependant, en réalité, ce n’est pas le cas. Malgré l’anticipation et l’enthousiasme entourant la relance de la marque, Fisker semble avoir du mal à tenir ses engagements et à offrir un produit de qualité à ses clients.
De manière générale, il est intéressant d’observer comment les changements récents sont adoptés dans l’industrie automobile. Cela semble se faire de manière presque aveugle, sans hésitation ni remise en question. Il n’y a pas une once de réflexion visible dans cette adoption rapide et inconditionnelle de nouvelles technologies et pratiques. L’adoption généralisée des écrans tactiles dans presque tous les aspects de l’automobile en est un exemple frappant. On pourrait presque dire que l’industrie suit une tendance sans véritablement s’arrêter pour considérer les implications ou les conséquences potentielles de ces changements. Mais comme mentionné plus tôt, cette philosophie n’est pas cantonnée qu’au secteur automobile.

Le secteur de la tech a une furieuse tendance à sortir des produits non finis. Récemment observé par Marques Brownlee, le YouTuber tech le plus célèbre de la planète, il semblerait même que ces pratiques soient poussées à l’extrême, avec des services promis qui ne sortent que 6 mois ou un an plus tard, au grand dam des consommateurs qui se retrouvent bernés. Mais qui en sort donc gagnant ?
Comme mentionné par Marques Brownlee, ces nouveaux produits ne sont en réalité pas créés pour les consommateurs finaux, mais font en quelque sorte office de preuve de concept pour des investisseurs lassés d’attendre le progrès à long-terme. Rassurant ? Pas vraiment. Justifié ? Non plus. Logique ? D’une certaine manière. Mais pas enthousiasmant pour la suite des évènements.
Pas de panique, tout n’est pas sombre dans ce tableau qu’on vient de peindre. Des petites lueurs d’espoir commencent à pointer le bout de leur nez. Les boutons, ces petits trucs super pratiques qu’on avait presque oubliés, font un retour en force. Et contrairement à une poussée d’acné, on accepte leur retour avec le sourire. De plus, les les régulateurs semblent se réveiller, mettant un frein à tous ces discours qui promettent monts et merveilles sans rien derrière.

Et puis, le meilleur reste toujours que les consommateurs mécontents commencent à se faire entendre. Toutes ces critiques incitent les fabricants à se bouger pour améliorer leurs produits. C’est un bon rappel que les consommateurs ont du pouvoir et qu’ils peuvent finalement influencer les décisions.
Donc, si vous êtes pas contents de quelque chose, n’hésitez pas à le dire haut et fort. Votre avis compte et peut aider à changer les choses pour les produits qu’on utilise tous les jours. Comme pour ne pas avoir un véhicule qui va très vite mais qui casse tout sur son passage.
1 Comment